Indécrottable

C’est un fait, j’aime la routine.

J’aime l’idée de cycle, de boucle, j’aime que les choses reviennent toujours et qu’elles soient reconnaissables.
Et quoi de mieux pour matérialiser cette ronde infinie que le mouvement des saisons?

Comme beaucoup d’individus à l’âme inéluctablement gothique, l’été me déprime. Chaque année ça ne manque pas, les premiers jours de juillet s’installent et une indolence crasse m’assaille. Tout m’épuise.

Et ne parlons même pas d’août, ce mois sinistre qui m’inspire hauts-le-coeur et pensées macabres. Chaque été je m’atrophie, inconfortable partout et animée de crises existentielles foudroyantes (où cours-je où erre-je? Quelle est donc cette vie?).

Forcément, puisque si l’on ouvrait mon coeur, on y verrait un cimetière anglais au mois de Novembre.

(magie des Cotswolds…)

Non, vraiment, la seule chose qui me fasse tenir tout l’été, c’est la certitude du retour de l’automne.

Mais la récompense est courte, car si l’on suit le calendrier des saisons, l’automne commence le jour de l’équinoxe, soit le 21 septembre, et se termine au solstice, le 21 décembre. Sauf qu’une fois Halloween passé, soyons honnête, il est quasiment impossible de résister à la mouvance Christmassy qui se répand partout, des vitrines de magasins jusqu’aux téléfilms M6.

Chaque année je tente de lutter mais, au 15 novembre, je me retrouve déjà à acheter des décos de sapin et boire du vin chaud. Résultat, l’automne a filé sans que j’en profite, et ma saison favorite n’a duré que deux petits mois.

(Est ce que vous aussi, plus vous vieillissez plus vous déplorez la vitesse avec laquelle le temps défile?)

Cette fois-ci donc, j’ai décidé d’anticiper, en fêtant l’automne dès le 1er septembre, n’en déplaise à mon tempérament rigide qui habituellement, attend sagement Mabon pour danser nue au centre d’un pentacle.

À ce sujet, mini parenthèse: je dois tout de même faire un petit point sur l’état de mes croyances magico-sorcières. Aujourd’hui, après 8 ans d’expérimentations, de lectures, de débats, de rencontres et de réflexion, je peux dire que je ne crois pas en l’existence d’une forme de « magie ». MAIS. Je crois en la puissance du rituel. Je crois que le cerveau humain aime beaucoup le mécanisme des symboles, et que l’inconscient réagit parfaitement aux allégories.

En fait, je crois surtout au pouvoir de ce qui nous fait du bien. Et moi, les rituels, ça me botte, croyance occulte ou non.

Ainsi, tout comme j’aime brûler des cierges dans les églises sans être catholique, ou adresser une pensée à mes morts même si je ne crois pas à l’au-delà, j’aime aussi créer de petits moments esthétisants et méditatifs, pendant lesquels je canalise une intention, une volonté, un état d’esprit, pour lui donner une matiérialité.

Je ne crois pas que cela ait un effet autre que celui instantané de me faire plaisir. Et c’est parfait ainsi. En gros, je crois à la beauté de l’inutile, et à ses vertus.

Mais pour en revenir à mes moutons, cette année donc, j’ai décidé que l’arrivée de septembre marquerait celle de l’automne.

Ainsi le week end dernier, j’ai réécouté mes playlist automnales, respiré à plein poumons l’air qui, même s’il fait chaud, a déjà changé de substance (dans les sous bois certaines feuilles ont roussi et sont tombées, exhalant cette odeur caractéristique d’humus). Je suis partie explorer le parc de Miribel Jonage à vélo avec Alex, et je m’y suis baignée au milieu des cygnes et des couleuvres.

Assise en tailleur sur les galets, j’ai pris un moment pour repenser à ce début d’année déjà parcouru, à tous les obstacles franchis, avec ou sans douleur. Et j’ai tâché d’en être reconnaissante.

D’ailleurs, pour m’inspirer je reviens souvent à ce livre de Maeva Morin, illustré par mon amie Marius Heureux:

Il est organisé par mois et par saisons, et contient plusieurs suggestion de méditations, de rituel ou de recettes… je l’aime beaucoup! Même en n’étant pas « croyante » en la magie, j’y trouve énormément de ressource et d’idées.

Sur la route du retour, j’ai vu un cadavre de lapin dont seuls les yeux avaient été dévorés par des corneilles. Cadeau pré-Halloweenesque parfait.

Le soir j’ai dîné puis écrit à la lueur des bougies (bougies bordeaux changées pour l’occasion: une couleur par saison). Charmant mais peu recommandable en pleine canicule, car les cierges projettent une chaleur effroyable: au bout de trente minute j’ai dû les éteindre et me mettre en culotte devant mon ventilateur. (on a les soirées romantiques qu’on mérite).

Et ce matin je me suis levée tôt pour aller faire un tour de vélo au Parc de la Tête d’Or avant de travailler. Écrire quelques minutes face au lac, franchement, c’est une belle manière de démarrer sa journée.

Sur le retour je me suis même offert des fleurs, les premières depuis le printemps dernier.

(ndlr: mon petit Basile, sept ans au mois d’octobre… DÉJÀ!!)

À vrai dire, dans cette ode furieuse à l’automne, j’ai même… cuisiné.

(cake au citron sans oeufs d’après la recette de l’Herboriste)

De manière générale, on peut dire que je lutte pour éprouver davantage ma corporalité.

Pour faire reculer cette sensation que les années filent sans mon accord et que le temps cavale, j’ai besoin de moments toujours plus palpables, plus terriens. Des moments où mon corps fabrique quelque chose, existe, ressent.

Depuis quelques années je sens qu’il n’y a pas d’un côté l’esprit et de l’autre le corps, mais bien une seule et même entité polymorphe qui a besoin des mêmes soins.

D’ailleurs, dans une papillote à Noël dernier j’ai lu ceci:« fais du bien à ton corps pour que ton âme ait envie d’y rester ». Édifiant non?

(On a les déclics philosophiques qu’on mérite.)

(suis-je la seule à adorer les petits mots des papillottes?)

En tout cas c’est sûr, je suis indécrottablement cyclique, et j’ai besoin d’amarres concrets pour éprouver le temps qui passe. Pour tenter de le ralentir un peu dans sa course folle.

À chaque saison mes petites balises. À l’automne, je bois du thé noir aux amandes, le même depuis dix ans, je réécoute Agnès Obel- Aurora- Lana Del Rey- Frank Sinatra, je me prends pour une des soeurs Halliwell (Prue, bien sûr) en disposant partout bougies fleurs et reliques, et lorsque l’équinoxe sera là pour de bon, charriant l’automne et ses ombres, je serai probablement étendue quelque part dans une vaste robe à imprimés 70’s (ou plus probablement en legging et polaire), dégustant un velouté de butternut devant un film d’horreur.

On ne change pas une recette qui marche (même s’il fait 35 degrés dehors).

Alors, à toutes celles et ceux qui comme moi, souffrent d’un incurable délire automnal… (#DarkAcademy, #cottagecore, #autumnlover)… patience, on y est presque!!

Automnement vôtre,

Diglee

 

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Published on September 05, 2023 11:02
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