L’affaire Rousseau
Il n’y a pas que dans le Bureau ovale qu’on a du mal à distinguer un agresseur d’un agressé… Loin des rives affligeantes de la masculinité toxique, le féminin vengeur se perd parfois aussi dans les brumes de la post-vérité. L’affaire Bayou nous en offre un exemple. Il est de ceux que j’évoquais dans Le Vertige MeToo pour décrire la manipulation de l’émotion et comment une accusation publique excessive peut conduire à plus de violence qu’elle n’en dénonce. Car la victime dans cette affaire, c’est l’accusé. Un homme politique broyé par l’idéologie du « je te crois », qu’il a lui-même soutenue et dont il a mesuré l’injustice lorsque d’anciennes petites amies ont voulu lui faire payer ses tromperies et ses mensonges en les présentant comme une affaire MeToo. Un hashtag destiné à libérer la parole des victimes d’agressions sexuelles dont on use et abuse, qu’on salit et discrédite lorsqu’on s’en sert pour régler des comptes politiques ou privés.
Dans le cas Bayou, il suffisait de lire les témoignages de ses accusatrices dans le média écologiste Reporterre pour comprendre, même en les croyant sur parole, que ces reproches ne relevaient pas du pénal, et que leur mal-être profond ne pouvait avoir pour seule cause cet homme et cette relation. Ces « révélations » n’avaient donc rien à faire dans la presse ou dans un tribunal. La justice, la vraie, a tranché sans l’ombre d’un doute : « absence d’infraction ». C’est le tribunal politique qui refuse de désarmer. La procureure Rousseau maintient son verdict. Elle considère toujours Bayou comme « présumé innocent », lui reproche d’avoir séduit des militantes en « situation de pouvoir » et de les avoir « humiliées ». Au nom d’un principe de précaution et de « valeurs » plus puritaines que féministes, elle exige une clarification « politique » de son parti… L’interdiction de relations amoureuses, même consenties, si elles déçoivent ?
Après la curée, la curie… Le vertige, on vous dit. Ayant pris goût au pouvoir d’accuser, Sandrine Rousseau prolonge en prime et à nos frais sa présidence de la commission parlementaire contre les violences sexuelles enquêtant sur le cinéma, les médias et le milieu du spectacle vivant. Sollicitée pour être auditionnée, j’ai préféré décliner. Je ne vois pas l’intérêt de focaliser sur les MeToo les plus médiatisés, ne touchant que des métiers privilégiés et surexposés, frappés par la culture de l’annulation. Dans ces mondes, il faudrait plutôt retrouver le sens de la mesure et de la deuxième chance… Même si cette commission comporte des membres sincères et dévoués avec qui il faudrait en parler, je ne crois pas à la possibilité de discuter sereinement et subtilement avec la procureure Rousseau. En revanche, il serait fort précieux de prévoir une commission parlementaire sur MeToo politique et son instrumentalisation. Sandrine Rousseau pourrait y être doublement auditionnée. Comme victime et bourreau.
Caroline Fourest, Franc-tireur, n°173, 5 mars 2025
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